La rue concerne le négociant en vin Alexandre de Bethmann (1805-1871) parce qu’il a été maire de Bordeaux en 1867-1870, donc sans aucune ambigüité. Il n’est en rien responsable de certaines activités commerciales de ses ancêtres. Son grand-père Johan de Bethmann était venu de l’empire germanique en 1742 et avait monté une maison de négoce.
À Bordeaux, muni d’un capital de départ non négligeable, d’une solide ambition et d’un sens certain des affaires, Johann-Jakob, devenu Jean-Jacques, développe une activité de commissionnaires en vins, sucres, cafés et indigo, à l’importation et pour des flux de réexportation à destination de l’Europe du Nord et de l’Europe centrale. Bethmann bénéficie d’un réseau et d’un savoir-faire lui permettant de financer de nombreuses opérations de transport maritime à destination des colonies, essentiellement vers les Indes occidentales et donc Saint-Domingue, et marginalement vers les îles françaises du Pacifique ou l’océan Indien.
En tant qu’étranger, il n’avait pas le droit de financer la traite négrière. Si l’on ne peut exclure que Jean-Jacques de Bethmann ait pu prendre part épisodiquement au financement de telles opérations, bien que son statut d’étranger lui interdît d’armer des bateaux à cette fin, cette activité n’est attestée par aucun document, ni officiel, ni familial (en Allemagne ou à Bordeaux).
Si l’entreprise a été portée par l’ensemble de la croissance des activités portuaires girondines (commerciales, industrielles ou financières) qui, entre autres, englobaient le commerce ou l’exploitation d’esclaves, on ne peut conclure à une quelconque implication d’Alexandre de Bethmann – d’autant plus que lui-même et son épouse ont apporté leur soutien personnel au Frères moraves – nom porté par une institution protestante –, qui furent parmi les premiers militants abolitionnistes – avant même la création en 1788 de la Société des amis des Noirs.
Ses fils ne réussissent guère dans les affaires. Son petit-fils Édouard de Bethmann a lancé sa maison en 1813 et y accueille son neveu Alexandre, qui y fait ses classes et devient un grand négociant, juge au Tribunal de commerce, membre de la Chambre de Commerce de 1839 à 1842, membre du conseil d’escompte de la succursale de la Banque de France, adjoint au maire en 1860, et maire de janvier 1867 à août 1870.